Pour une entreprise, la radiation signe la fin de son existence légale , le « baisser de rideau ». Or dans les faits, les acteurs peuvent être, eux, toujours responsables. Tout ne s’arrête pas brusquement pour les dirigeants, ni pour les tiers. Radier une société a des conséquences juridiques, humaines et fiscales.
En quoi consiste le fait de radier une société ?
Définition et contexte de la radiation d’une entreprise
Lorsqu’une entreprise est radiée, son immatriculation est supprimée du Registre du commerce et des sociétés (RCS) ou du Répertoire des métiers. Elle perd donc son numéro de Siret et n’est plus une personne morale. On dit qu’elle est définitivement privée de sa personnalité juridique.
Le contexte est très variable : le cas le plus fréquent est la dissolution à la suite d’une liquidation judiciaire mais cela peut également provenir d’une cession, d’une fusion…
Dans tous les cas, la radiation doit être demandée dans les 30 jours suivant la cessation d’activité et respecter une procédure précise, qui varie selon la forme de l’entreprise.
La radiation normale et la radiation d’office
On distingue la radiation issue d’une procédure normale et la radiation d’office.
La radiation issue d’une procédure normale découle généralement d’une cessation d’activité et d’une dissolution. Elle est entreprise par le dirigeant.
La radiation d’office n’est pas demandée par un dirigeant de l’entreprise, mais directement par le greffe du tribunal de commerce pour plusieurs raisons :
- Cessation d’activité pendant plus de 2 ans.
- Transfert de l’entreprise dans un autre état européen.
- Dissolution à la suite d’une liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs, lors de laquelle le liquidateur n’a pas demandé de prorogation de l’immatriculation.
- Commerçant sanctionné par une interdiction d’exercice.
- Décès du titulaire d’un fonds de commerce, du dirigeant d’une EIRL ou encore d’un auto-entrepreneur.
- Décision de justice ayant prononcé la radiation d’office et dont toutes les voies de recours ont été épuisées.
Dissolution, liquidation : quelle procédure suivre pour radier son entreprise ?
Pour radier une entreprise, il faut avoir préalablement procédé à sa dissolution puis à sa liquidation.
Selon la forme juridique, les démarches de dissolution sont différentes :
- Pour les SAS et SA, la décision est prise en assemblée générale, dans les conditions fixées par les statuts.
- En ce qui concerne la SARL, la décision doit venir d’une assemblée générale extraordinaire.
- Dans une EURL, comme dans une SASU, l’associé étant unique, il décide seul.
- Enfin, pour la SCI, la dissolution est décidée par les associés en assemblée générale, à l’unanimité (les statuts peuvent prévoir une majorité).
- La micro-entreprise, constituant une personne physique, n’a pas à passer par la phase de dissolution.
- La SASU, quant à elle, suivra la même procédure que celle du micro-entrepreneur.
À la suite de la dissolution, la société est placée en liquidation : le représentant légal de la société ou son mandataire, remplira un formulaire M2. Le liquidateur amiable nommé lors de la dissolution fournit une déclaration de non-condamnation et de filiation, conformément à l’article A 123-51 du Code de commerce.
Le dossier est complété par l’attestation de publication dans un journal d’annonces légales.
La radiation est alors possible. L’article R 123-75 du Code de commerce en prévoit les modalités :
Le liquidateur doit procéder à la radiation dans les 30 jours suivant la publication de l’annonce légale. Elle est ensuite déclarée au Centre de Formalités des Entreprises (CFE) géographiquement compétent accompagnée de 3 documents :
- L’acte de clôture et les comptes de clôture
- La déclaration de radiation, le formulaire M4
- L’attestation de parution dans le journal d’annonces légales
Les conséquences d’une radiation de société
Conséquences fiscales de la radiation de société
La radiation, comme la cessation d’activité, ne permettent pas d’échapper à l’impôt sur les derniers résultats. Ainsi, les bénéfices réalisés entre la clôture du dernier exercice et la cessation de l’activité seront taxés, tout comme un éventuel boni de liquidation. Ces revenus devront être déclarés dans les 60 jours suivant la cessation d’activité pour le régime réel.
Pour ce qui est de l’impôt sur le revenu, un résultat déficitaire de l’entreprise, qui ne présente plus une solvabilité suffisante, pourra être déduit du revenu de chaque associé. En ce qui concerne la TVA, une déclaration CA3 devra être remplie pour le régime normal ou CA12 pour le régime simplifié.
Quant à la taxe sur les salaires, que doivent payer les employeurs non soumis à la TVA, une déclaration annuelle de liquidation et de régularisation est nécessaire.
Enfin, pour la CFE (cotisation foncière des entreprises), elle est prise en compte dès lors que l’entreprise est encore immatriculée au 1er janvier de l’année prise en compte. Si la radiation a lieu en cours d’année, il est possible de demander un dégrèvement.
Conséquences à l’égard des tiers : créanciers, débiteurs
Une entreprise radiée n’a plus d’existence légale. Mais s’il subsiste un contentieux avec un créancier ou un débiteur, qu’il soit une entreprise ou un particulier, certaines responsabilités sont maintenues.
Quand l’entreprise est en position de créancier, l’un des associés pourra toujours procéder à une mise en demeure. Si son propre débiteur est également radié, il devra faire appel à un mandataire.
Quand l’entreprise est en position de débiteur, le créancier doit demander au tribunal de désigner un mandataire ad hoc pour représenter l’entreprise radiée. C’est à ce mandataire qu’il devra ensuite s’adresser.
Dans le cas d’une SARL, le paiement des dettes de l’entreprise liquidée peut s’avérer particulièrement complexe.
Les dirigeants ne sont donc pas totalement à l’abri : si le droit considère qu’une société, qui a perdu sa personnalité morale, ne peut plus être partie à un procès, la jurisprudence estime l’inverse, tant que l’entreprise radiée conserve des dettes ou des créances.
En effet, les tribunaux, sur ce point, n’hésitent pas à violer la loi et considèrent que l’entreprise conserve bien sa personnalité morale. Il est donc important, pour les dirigeants, de se faire accompagner suite à la liquidation de leur entreprise.
Il est à noter que quelques entreprises, en raison de leur forme juridique ou de leur parcours, échappent à cette exception offerte par les tribunaux : les EURL ou les SASU dont le dirigeant était unique, ainsi que les entreprises dissoutes à la suite à une liquidation judiciaire avant l’entrée de l’ordonnance N°2014-326 du 12 mars 2014.
Conséquences à l’égard des salariés
C’est au liquidateur que revient la tâche de procéder aux licenciements dans le respect des dispositions légales. Il doit répondre à l’obligation de reclassement des salariés.
Lorsque l’entreprise a procédé au dépôt de bilan et qu’elle est ensuite placée en procédure collective, le régime de garantie des salaires (AGS) peut venir pallier son insolvabilité.
Ainsi, lorsque la société radiée ne peut plus régler les salaires et indemnités, des avances de l’AGS sont adressées aux salariés, mais elles sont plafonnées en fonction de leur ancienneté.
Comment savoir si une entreprise est radiée ?
Afin de vérifier si une entreprise est radiée, il est possible, pour tout intéressé, de demander un Kbis de radiation auprès du greffier du tribunal compétent. Il permet de connaître la situation de l’entreprise.
Notez que la réimmatriculation d’une entreprise radiée est possible : il faut alors suivre la procédure de rapport de radiation.
Quelques chiffres sur la radiation des sociétés en France
Selon le CNGCT (Conseil National des Greffiers des Tribunaux de Commerce), l’année 2018 a enregistré 270 000 radiations en France dont 71 500 personnes physiques et 162 000 personnes morales. Un peu plus de 36 000 étaient des sociétés civiles et quelques centaines, des GIE (groupement d’intérêt économique). Cela représente 14 433 radiations de plus qu’en 2017 soit une hausse d’un peu plus de 5,5 %.
Le premier trimestre de 2019, avec 82 000 radiations, enregistrait déjà 15 000 actes de plus qu’au premier trimestre 2018. On assiste donc à une augmentation plutôt constante des radiations.
Mais elle est à mettre en parallèle avec la hausse de 9 % des immatriculations, puisqu’en 2018, elles étaient au nombre de 419 500 contre 384 500 en 2017. Il se crée donc annuellement plus d’entreprises aujourd’hui, ce qui témoigne d’un certain dynamisme économique.