Le chef d’entreprise vise toujours à atteindre un cap de rentabilité mais il n’est pas facile de développer son activité en traversant des crises économiques et les changements de tendance. Lorsqu’arrive le temps des difficultés financières et que l’entreprise ne peut plus payer toutes ses dettes quelles que soient leur nature (salariés, fournisseurs, prestataires, Trésor public, etc.), elle est en cessation de paiement, le dirigeant doit le déclarer, on dit dans le langage courant qu’il dépose le bilan.
La situation de défaut de paiement
L’entreprise n’est pas seulement en défaut de paiement de certaines dettes, elle ne peut payer aucune dette.
Autrement dit, elle est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible (l’article L631-1 du Code de commerce).
- L’actif disponible représente l’ensemble des sommes dont peut disposer immédiatement ou à très court terme une entreprise. Par exemple, il s’agit des liquidités de caisse et de banque.
Notez qu’une entreprise peut donc se retrouver en défaut de paiement, même si son actif suffirait largement à couvrir ses dettes. Mais on ne prend pas en compte dans l’actif disponible les biens immobilier, le fichier client, les brevets, ou encore des machines nécessaires à la production. - Le passif exigible est l’ensemble des dettes échues au jour de l’appréciation de l’état de cessation des paiements. Ces dettes doivent être certaines (ne pas être contestées), liquides (on doit connaître leur montant) et exigibles.
Le représentant légal de l’entreprise, représenté ou non par un avocat d’affaires ou assisté d’un expert-comptable, a 45 jours à compter de la constatation qu’il ne peut plus payer ses dettes, pour déclarer la cessation des paiements.
Le temps de sauvegarde est révolu, le dirigeant doit remplir un formulaire qu’il dépose soit au tribunal de commerce, soit au tribunal de grande instance selon le statut de son entreprise.
La déclaration de cessation des paiements
Obligation du dirigeant
La déclaration de cessation des paiements traduit la prise de conscience du dirigeant qui ne peut plus poursuivre son activité sous peine d’aggraver volontairement le trou dans la trésorerie de son entreprise.
Toute poursuite des activités ou défaut de déclaration de cessation des paiements constitue une faute de gestion, pouvant engager la responsabilité du dirigeant d’entreprise.
Le chef d’entreprise doit déposer le bilan sinon c’est une faute.
Petit focus juridique :
- Loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 prévoit cinq cas de faute du dirigeant ouvrant la possibilité de cette action, dont celle d’« avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale »;
- Arrêt du 13 novembre 2007, Chambre commerciale : « la déclaration de la cessation des paiements n’a été effectuée que le 7 mars 2002 tandis que le jugement d’ouverture fixait la date de cessation des paiements au 31 décembre 2001 […] l’ensemble de ces faits constituent des fautes de gestion ayant manifestement contribué à aggraver le passif de la société en permettant la poursuite d’une activité déficitaire ».
La mauvaise gestion de l’entreprise peut également engager la responsabilité du dirigeant au titre de l’insuffisance d’actif (article L651-2 du code de Commerce) et de l’obligation aux dettes sociales (article L652-1 du code de Commerce) et ainsi toucher directement son patrimoine personnel puisque le juge peut l’enjoindre à payer tout ou partie des dettes du dépôt de bilan. La loi Sapin II, qui date de fin 2016, a toutefois réduit les risques de risques pour les gérants.
La déclaration obligatoire de cessation de paiement permet donc de démontrer que le dirigeant est conscient de la mauvaise situation financière et qu’il veut se prémunir d’une faute de gestion.
Les détails du dépôt de bilan permettent de rendre compte de la situation financière de l’entreprise et de détacher le chef d’entreprise de la suite de la gestion de son activité; il laisse à un tiers avec un regard extérieur d’évaluer s’il vaut mieux le redressement (s’il est encore possible de reprendre l’activité) ou la liquidation de l’entreprise.
Le défaut de dépôt de bilan ou le dépôt de bilan tardif peuvent également entraîner une interdiction de gérer.
Le cas des salariés
Dès l’ouverture de la procédure judiciaire le juge invite les salariés à élire, sous 10 jours, un représentant pour faire le lien entre eux et la justice.
La loi protège les salariés touchés par le dépôt de bilan de l’entreprise qui les emploie. Ils ont le privilège des salariés, c’est-à-dire qu’à l’heure du règlement des dettes, la dette salaire sera prioritaire.
Les fonds disponibles (soit ceux restant, soit ceux issus de la liquidation) seront prioritairement alloués au paiement des salaires.
Il existe même une assurance des salariés (AGS) qui est un organisme patronal financé par une cotisation obligatoire de toutes les entreprises. Elle garantit, à certaines conditions, le paiement des sommes dues aux salariés à la demande de l’administrateur judiciaire.
Que se passe-t-il après la déclaration de cessation de paiement ?
Le dirigeant est tenu de présenter au juge la situation comptable et financière de l’entreprise afin de lui permettre d’évaluer la situation.
Le juge a alors 2 possibilités :
- Décider du redressement judiciaire qui pourra permettre de faire redémarrer l’activité ;
- Décider de la liquidation judiciaire qui mettra en place une procédure pour tout vendre et payer les créanciers.
Dans le cas d’une décision de liquidation judiciaire, le juge estime que le redressement est impossible, que la situation est manifestement irrécupérable et que force est de constater que rien ne pourra remédier à la situation de débiteur de l’entreprise.
La vente de ses derniers actifs permet de solder les comptes.
Dans le cas du redressement judiciaire, la décision du juge ouvre une période d’observation au cours de laquelle des experts procèdent à un audit économique et social. Il peut prendre des mesures conservatoires à l’égard des biens des dirigeants, dont une faute de gestion.
Enfin il nomme un administrateur chargé de l’administration de l’entreprise pendant la procédure collective.
Dans les faits, le redressement judiciaire ne touche que 30 % des entreprises en cessation de paiements. 70 % des ouvertures de procédures sont des liquidations judiciaires amenant la disparition immédiate des entreprises concernées.
Et sur les 30 % de bénéficiaires d’un redressement bien peu survivent.
Le dirigeant a donc tout intérêt à suivre avec réalisme la situation financière de son entreprise et intervenir en amont de la cessation de paiements pour mettre en place une procédure de sauvegarde ou changer de stratégie pour redresser la barre.