AccueilDéfaillancesCession d’entreprise en redressement judiciaire : un sauvetage périlleux

Cession d’entreprise en redressement judiciaire : un sauvetage périlleux

6 min de lecture

Lorsqu’une entreprise se trouve en défaillance, la priorité est de trouver des solutions pour poursuivre son activité et conserver ses salariés.

Si un plan de continuation est parfois possible, l’option de la vente partielle ou totale de l’entreprise sera examinée avec attention par le tribunal. Cependant, cette opération n’est pas sans risque pour le repreneur, ce qui n’aide pas à limiter les liquidations judiciaires.

Comment s’articule la cession d’entreprise lors d’une situation de défaillance ? Qui peut prétendre à cette reprise ? Et surtout, quels sont les risques pour les repreneurs qui souhaitent tenter ce sauvetage ? 

Cession d’entreprise en redressement judiciaire : enjeux et cadre

Une entreprise en redressement judiciaire est toujours à vendre

Il arrive qu’une entreprise n’arrive plus à faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Elle se retrouve donc en état de cessation des paiements.
Après une déclaration de son état au tribunal, celui-ci prononce un jugement d’ouverture où il désigne l’ensemble des acteurs :

  • juge commissaire
  • mandataire judiciaire
  • administrateur judiciaire
  • expert
  • huissier.

Ce jugement ouvre la porte d’une période d’observation de 6 mois (renouvelable) au cours de laquelle l’activité et le fonctionnement de l’entreprise sont analysés. L’objectif étant de « permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif » selon l’article L.631-1 du code de commerce.

L’administrateur cherche à établir un plan de continuation et éventuellement à présenter un repreneur à la tête de l’activité.

Il faut savoir qu’une entreprise placée en redressement judiciaire est par principe toujours à vendre !

Qu’est-ce qui est racheté lors d’une cession d’entreprise pendant sa période d’observation?

« La cession d’entreprise a pour but d’assurer le maintien de l’activité susceptible d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ».

Le rôle donné par l’article L.642-1 du code de commerce paraît clair. L’objectif du débiteur est d’éviter une liquidation judiciaire qui conduirait à la fin de son activité.

Il faut savoir que le repreneur, lors d’une cession d’entreprise, ne rachète pas la société. Il peut racheter :

  • Une partie ou la totalité de l’actif de l’entreprise
  • Le fonds de commerce
  • Une branche de l’activité

La valeur de l’entreprise en elle-même est généralement très faible.

Certains repreneurs rachètent même l’activité pour 1 euro symbolique. Le but de cette opération n’est pas de faire du bénéfice pour le débiteur, mais de réussir à apurer le passif de son entreprise en lui donnant une chance de continuer à générer de la richesse ou en valorisant ce qui peut l’être !

Un cas concret ? Connaissez-vous l’entreprise chimique industrielle française KEM ONE placée, il y a quelques années, en redressement judiciaire ? À la suite de l’ouverture de cette procédure, plusieurs offres de reprise sont proposées et le tribunal de commerce de Lyon fini par valider le projet de Monsieur Alain DE KRASSNY. Le plan de reprise intègre les salariés et réduit les créances du groupe à hauteur de 180 millions d’euros.
Poursuite de l’activité, maintien de l’emploi et apurement du passif : les objectifs de la cession d’entreprise sont remplis !

À savoir : Les objectifs de la cession d’entreprise dictent directement le choix du tribunal entre les différentes offres. L’article L.642-5 du code de commerce précise que :

« le tribunal retient l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble des activités cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution ».

Repreneurs, que risquez-vous lors d’une cession d’entreprise ?

Le législateur a tenu à sécuriser cette opération pour éviter les situations litigieuses entre les différentes parties.

Que se passe-t-il pour les contrats de travail lors d’une cession d’entreprise ?

Par principe, lors d’une cession d’entreprise, les contrats de travail, en cours au jour de la modification, sont maintenus (article L.1224-1 du code du travail). Cette exigence sécurise la place des salariés dans l’entreprise lors d’une modification de la situation juridique de l’employeur. Cependant, il arrive que certains repreneurs n’intègrent pas l’ensemble de la masse salariale. En effet, l’offre est libre.

Il n’y a pas d’obligation ou de contrainte sur le nombre de salariés à reprendre pour les acheteurs !

Toutefois, cette situation semble logique. Le but d’une offre est de sauver l’activité de l’entreprise pour la rendre à nouveau viable à long terme et donc ne permet pas toujours de sauver la totalité des emplois.
Si certains emplois ne peuvent pas être repris, l’administrateur judiciaire prononce les licenciements pour motif économique selon l’article L.642-5 du code de commerce.

Qu’en est-il des autres contrats ?

Nous faisons référence ici aux contrats avec les fournisseurs, la banque, un propriétaire de locaux commerciaux, une location-bail pour des machines, un fournisseur d’électricité, etc… Les contrats qui participent à la bonne continuation de l’activité de l’entreprise doivent être automatiquement repris.
Cette obligation assure la sécurité juridique de l’opération. En effet, l’article L.642-7 du code de commerce prévoit une cession forcée des contrats de l’entreprise qui sont nécessaires au maintien de son activité.

Attention : il faut que les contrats soient en cours d’exécution lors de la cession d’entreprise. Cette obligation n’est pas valable pour des contrats qui viennent d’être résiliés.

Transfert des risques au repreneur

Le repreneur qui s’engage à reprendre une entreprise en redressement judiciaire s’expose à d’importantes responsabilités.

Au titre de l’article L.642-12 du code de commerce, le repreneur s’engage – lors du rachat d’un fonds de commerce sur lequel la banque a un nantissement – à payer les échéances restantes si un prêt est en cours.
Cependant, pour que ce transfert soit effectif, il faut que le crédit-bail du fonds de commerce réponde à deux conditions :

  • Il doit bénéficier d’une sûreté immobilière ou mobilière spéciale comme un nantissement ou une hypothèque ;
  • Il doit avoir été mis en place pour financer le bien sur lequel porte la sûreté ;

Attention : la jurisprudence considère, après plusieurs arrêts comme celui de la chambre commerciale 15 décembre 2009, que ce transfert est effectif même si le repreneur n’avait pas connaissance de l’existence de ce prêt. Le transfert reste valable même si celui-ci n’était pas notifié dans l’offre ou dans le jugement !

Pour se protéger, le repreneur a donc tout intérêt à rechercher l’existence d’un prêt avant de faire son offre.

À savoir : le repreneur peut obtenir auprès du Greffe du Tribunal de commerce un état des nantissements. Il est aussi conseillé de se renseigner au service de la publicité foncière pour avoir des informations sur l’existence d’une éventuelle hypothèque.

Les conditions de la cession d’entreprise 

Le Tribunal de commerce, véritable arbitre de la procédure

L’article L.642-2 du code de commerce place le tribunal au cœur de la procédure. Il organise les étapes de la cession et veille au respect des procédures.

Il est dans l’obligation lors du jugement d’ouverture du redressement judiciaire de désigner un administrateur judiciaire.

À savoir : cette obligation n’est pas valable lorsque le débiteur contre lequel la procédure est ouverte a moins de 20 salariés et réalise un chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 3 millions d’euros.

Le rôle de l’administrateur est important puisqu’il fixe le délai pendant lequel les offres peuvent lui parvenir. Plus largement, il est chargé d’une mission d’assistance et/ou de gestion sur l’entreprise concernée. C’est dans tous les cas le tribunal qui lui attribue sa mission.

Qui peut déposer une offre de cession d’entreprise ?

L’offre ne peut pas provenir directement ou indirectement du débiteur, des dirigeants de droits ou de faits de la société ou des parents ou alliés jusqu’au second degré selon l’article L.642-3 du code de commerce.

Cette interdiction concerne aussi les personnes ayant eu le rôle de contrôleur dans la procédure.

Le législateur a souhaité ainsi moraliser ces opérations de reprise. Cette restriction a été déclarée par la Cour de cassation conforme à la Constitution par un arrêt du 7 juillet 2016.

À savoir : comme tout principe juridique, il est assorti d’exceptions. Le code de commerce précise qu’il est possible de déroger à ces interdictions en matière agricole et sur demande du Procureur de la République.

La forme d’une offre de cession d’entreprise

Les tiers peuvent proposer des offres à l’administrateur judiciaire à partir du moment où le redressement judiciaire est ouvert et durant le délai fixé par l’administrateur judiciaire.Elles doivent contenir un certain nombre d’éléments essentiels :

  • La désignation des biens et des contrats inclus dans l’offre
  • Les prévisions de l’activité et du financement
  • Le prix offert, les conditions de règlement et la qualité des apporteurs de capitaux
  • La date de réalisation de la cession
  • Les perspectives d’emploi justifiées par l’activité
  • Les garanties prévues pour assurer la bonne exécution de l’offre
  • Les prévisions de cession d’actifs au cours des deux années suivant la cession
  • La durée des engagement pris par l’auteur de l’offre

L’auteur doit joindre à son offre une attestation qui prouve qu’il n’est pas dans une situation d’interdiction de présenter une offre selon l’article R642-1 du code de commerce.

Les offres sont publiques une fois que le délai de réception est terminé.

Attention : une fois l’offre déposée au Greffe par l’administrateur, elle ne peut plus être modifiée, sauf de manière plus favorable. Son auteur est lié à celle-ci jusqu’à la décision du tribunal selon l’article L.642-2 du code de commerce.

Reprendre une entreprise en redressement judiciaire implique des responsabilités élevées notamment d’un point de vue financier. La pression sociale peut être aussi très importante. Il faut alors bien étudier les projets et se faire accompagner par des professionnels pour éviter que le sauvetage ne se transforme en naufrage. C’est pourquoi les chances de revendre une activité en situation de redressement judiciaire sont assez mince.

En savoir plus sur la reprise d’une entreprise et sur la cession d’une entreprise.

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