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L’enseigne Chauss’Expo en redressement judiciaire !

8 min de lecture

La faillite d’une entreprise provient, dans certains cas, d’une incapacité à s’adapter aux évolutions du marché. C’est la situation dans laquelle se retrouve l’entreprise familiale Chauss’Expo.

Le marché de la chaussure est marqué par de nouvelles tendances. L’attention des consommateurs est tournée principalement vers la basket. La vente de chaussures de ville distribuées par le groupe est en chute libre ! 

Après plusieurs mois de lutte contre des difficultés financières, Chauss’Expo est placé en redressement judiciaire en février 2018. Cette crise génère de fortes tensions sociales au sein des 224 magasins de l’enseigne. L’enjeu est alors de réussir à dialoguer entre plusieurs acteurs – salariés, syndicats, patronats, administrateurs, investisseur, créanciers,… – pour avancer efficacement dans cette procédure collective et sauver ce qui peut l’être. 

Chauss’Expo, une activité familiale prospère depuis 30 ans

En 1815, Jean-Antoine Desmazières-Drino reprend un fonds de commerce à Lille.

C’est près de 100 ans plus tard, en 1919 que « la Société Desmazières » est formée par plusieurs associés, membres de la même famille. Elle est spécialisée dans le commerce de détail de chaussures à des prix abordables.

De la vente à distance à la vente en ligne

Progressivement, le marché évolue et nécessite des ajustements de la part des entreprises : la vente à distance est donc mise en place en 1972.

1987 est une année importante puisqu’elle marque l’instauration de la direction actuelle. C’est aussi l’ouverture du premier magasin sous l’enseigne Chauss’Expo.

Les années passent et les consommateurs modifient, de manière importante, leurs habitudes : ils achètent de plus en plus en ligne. D’ailleurs en 2005, 13,4 millions d’internautes Français sont des acheteurs sur internet selon les statistiques de l’étude FEVAD.

Pour ne pas rester à la traîne, Chauss’Expo crée son site de vente en ligne en 2005 : la transformation digitale est en marche !

Monsieur Desmazières explique que selon lui, le groupe présente une forte longévité grâce à une forte « culture d’entreprise basée sur l’écoute du client et la fidélité des fournisseurs ».

Chauss’Expo vise 300 magasins pour 2014

L’entreprise cherche à étendre toujours plus ses points de vente en misant sur des endroits situés en périphérie des grandes villes, dans des zones commerciales, par exemple.
Très présente à l’origine au nord de la Loire, l’enseigne prévoit d’étendre son implantation.
Déjà en 2004, le groupe annonce son ambition de passer de 155 magasins à 300 en France dans les 10 ans.


Chauss’Expo est alors le troisième groupe de distribution de chaussure français après Vivarte (Minelli, San Marina, La Halle) et Eram.

En 2008, le réseau de magasins est étendu avec le rachat du concurrent, en difficulté financière, Tamalet et de ses 70 boutiques. Cela représente 370 salariés et 40 millions d’euros de chiffre d’affaires répartis entre « L’Entrepôt aux Chaussures » et « Vice et Versa ».

« Cette acquisition est une belle opportunité de croissance pour nous et permet de renforcer notre maillage géographique » déclare Guy-Serge Desmazières, président du directoire.

Mais le marché de l’habillement et de la chaussure en France va ralentir et changer au point de fragiliser le groupe. Crise économique mondiale, augmentation des ventes de basket au détriment des chaussures de ville, chasse aux petits prix et multiplication des canaux de vente, sont autant de défis à relever.

Les nouvelles tendances du marché de la chaussure.

Le succès de la basket auprès des consommateurs :

Les magasins de chaussures classiques, c’est-à-dire, les enseignes qui distribuent des chaussures de ville pour hommes, femmes et enfants, n’ont plus la cote. Les clients n’affluent plus pour porter les dernières paires de ballerines ou de mocassins à la mode.
Désormais, la tendance est à la basket !

Les statistiques établies par la fédération française de la chaussure précisent que plus de la moitié des chaussures vendues en 2017, pour les hommes, sont des baskets.

Le phénomène est similaire chez les enfants où la basket représente 63% des ventes. Chez les femmes aussi, la basket se porte au quotidien avec des jupes ou des robes.

Les premiers concurrents des enseignes traditionnelles sont, sans aucun doute, « les gros » poids lourd de la basket : Nike, Adidas ou encore New Balance.  Pour prendre un exemple parlant, Adidas totalise 21,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2017 !

La croissance du e-commerce

Le secteur e-commerce représente 15,5% du marché de la chaussure en 2017, selon les experts de Xerfi.

En ayant convaincu, à grand renfort de publicité, les consommateurs d’acheter en ligne grâce à une livraison rapide et un retour gratuit, les leaders Sarenza (Monoprix / Casino) et Spartoo (basé à Grenoble) favorisent un grand bouleversement dans les habitudes de consommation.

« Livraison gratuite en 4 jours garantie sur plus de 3000 000 modèles de chaussures, retour gratuit sous 30 jours, la garantie du prix le plus bas. »
Extrait du site spartoo.com

Les acheteurs profitent d’un choix très large, des commentaires et avis des autres clients, et de tarifs serrés. Ils peuvent consommer à toute heure, sans avoir à se déplacer. Et surtout, ils n’ont plus peur de se tromper car si les chaussures ne leur vont pas, ils peuvent les renvoyer et les faire remplacer gratuitement. Ce phénomène va probablement s’accentuer dans les années à venir et s’appuyant sur des méthodes de webmarketing capable de fidéliser et réactiver ses clients.

Le groupe Desmazières n’est pas en reste car son site marchand a été étendu à 7 pays d’Europe et représente 30% de son volume de Vente A Distance, laquelle représente 15% de son chiffre d’affaires en 2008.

En 2017 le groupe passe par une restructuration lourde qui ne suffit pas à redresser sa situation financière

Avril 2017, Chauss’Expo en difficulté financière a recours à un plan social

Chauss’Expo emploie alors plus de 1 000 salariés répartis dans plus de 200 magasins franchisés en France.

Mais compressé entre des concurrents tendances et des sites marchands redoutables, le groupe Desmazières connaît les premières turbulences de son histoire en 2017.  Même en atteignant 107 millions d’euros de chiffres d’affaires, la rentabilité n’est plus au rendez-vous. La guerre des prix et l’érosion des marges a eu raison de son modèle économique.

Un plan social est mis en place pour réduire les dettes de l’entreprise : 88 emplois sont supprimés et 29 magasins fermés.

Fin 2017 la situation a empiré et la direction envisage le dépôt de bilan

Malgré le plan social, l’amélioration attendue n’arrive pas et la crise s’installe.

En fin d’année 2017, les salaires prennent du retard, les salariés en CDD, ne reçoivent pas, en temps voulu, leurs soldes tout compte et leurs documents de fin de contrat… la gronde des salariés et des syndicats augmentent.  Une vive tension sociale s’installe au sein de l’entreprise en crise et les manifestations et les mouvements de grève se multiplient.

Pour les soulager, une solution est enfin annoncée par la direction de l’entreprise en début d’année 2018 : l’AGS (l’assurance garantie des salaires) va prendre en charge le paiement des salaires, ce qui implique de se placer sous la protection du Tribunal de Commerce.

Mais cette action désespérée est vivement critiquée par le syndicat majoritaire Force Ouvrière. Ainsi Luc DUBOIS s’indigne « le 31 janvier dernier, la direction nous a annoncé qu’elle ne pouvait pas payer nos salaires et qu’ils seraient pris en charge par les AGS, fonds de garantie des salaires. Pourtant, en janvier, les directeurs se sont octroyé une prime représentant plusieurs mois de nos salaires ».

Avec cette révélation, le climat social est électrique ! C’est pourtant tout le secteur de la chaussure traditionnelle qui est touché.

Après une expansion à tout va dans les années 2000, l’affaiblissement du marché de l’habillement est profond depuis la crise de 2008. Pour le président du cabinet Prospheres, spécialiste de la restructuration d’entreprises qui intervient chez Chauss’Expo :

« Le marché de l’habillement traverse une crise analogue à celle qu’a traversée la sidérurgie »

Le groupe Vivarte en a lui aussi fait les frais. Détenteur des enseignes très populaires comme André, San Marina ou encore Minelli, le groupe est placé sous la coupe d’un mandat ad hoc en 2014 puis à nouveau en 2016.  Cette procédure est préventive et confidentielle. Elle vise à prévenir les difficultés de règlement pour éviter une situation de cessation des paiements.

Chauss’Expo passe en redressement judiciaire en février 2018

Conséquence : une augmentation de la lutte sociale au sein du groupe

Après plusieurs mois de lutte, l’entreprise se retrouve, sans grande surprise, en état de cessation des paiements.

Le résultat tombe le 6 février 2018 lorsque le Tribunal de commerce de Lille place le groupe en redressement judiciaire. Une période d’observation démarre pour 6 mois. 

Face à cette situation, le groupe Desmazières fait appel aux services du cabinet Prospheres, spécialisé dans la transformation et le retournement d’entreprises. Dotée de solides références cette équipe propose son assistance pour redresser les entreprises en difficulté et les accompagner dans leur repositionnement sur un modèle économique pérenne et rentable.

L’entreprise est aussi accompagnée par deux administrateurs judiciaires : Laurent Miquel et Vincent Labis. Ces administrateurs judiciaires sont nommés afin de mettre en place un plan de redressement pour apurer le passif de l’entreprise.

Le 6 avril 2018, les salariés, à l’appel de FO et de la CGT, souhaitent exprimer leurs mécontentements et leurs inquiétudes ; ils se rassemblent devant les boutiques pour distribuer des tracts d’information aux clients.

L’objectif des salariés est de connaître l’issue de cette crise. Ils souhaitent être pris en considération dans les décisions des dirigeants et notamment dans l’élaboration de ce plan de redressement. Les licenciements économiques seront probablement inévitables, mais les syndicats cherchent d’une part à en limiter le nombre, d’autre-part à obtenir le plus de compensations possibles pour les salariés qui seront privés de leur poste.

Lors d’une défaillance, le plan de redressement contient un volet social. Il expose les perspectives d’emploi et les conditions sociales envisagées pour la poursuite de l’activité de l’entreprise.

Les dirigeants sont encadrés par les administrateurs judiciaires et les procédures peuvent être longues avant de connaître la solution envisagée par l’entreprise pour sortir de ce redressement judiciaire.

À noter : l’objectif d’un redressement judiciaire, selon l’article L631-1 du code de commerce, est de « permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ».

Une communication difficile entre salariés et dirigeants

Face à cette situation sociale délicate, le groupe décide de créer le 9 avril 2018 des groupes de travail dans lesquels les salariés sont impliqués. Le but est d’améliorer les relations entre salariés et dirigeants.

Néanmoins, la solution peine à convaincre et la peur du licenciement est toujours présente. L’incompréhension est le sentiment majeur qui ressort lors d’une procédure collective chez les salariés.

Le Tribunal de commerce de Lille doit rendre un premier verdict le 6 juin 2018.

À noter : dès l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les tiers peuvent soumettre aux administrateurs des offres pour maintenir l’activité par une cession partielle ou totale de l’entreprise, selon l’article L.631-13 du code de commerce.

Rebondissement dans la procédure, la décision du tribunal est décalée au 25 juillet 2018.

Selon le syndicat majoritaire – Force Ouvrière – l’audience est repoussée, car le cabinet Prosphères n’a pas transmis, en temps voulu, les documents utiles aux salariés. Dans tous les cas, la patience des salariés est mise à rude épreuve en attendant la décision du tribunal sur la suite du redressement judiciaire.

Juillet 2018, des offres de reprises partielles et une prolongation de la période d’observation

Malgré les couacs administratifs, l’audience du 25 juillet 2018 a bien lieu au Tribunal de commerce de Tourcoing.

Au cours de celle-ci, plusieurs propositions sont présentées par les administrateurs judiciaires :

  • Le Groupe Demazières souhaite conserver environ une centaine de magasin et se séparer de 43 points de ventes non-rentables.
  • Le groupe Chaussea propose de reprendre 41 magasins en incluant les contrats de travail des salariés avec un éventuel maintien de l’entrepôt, selon la volonté du groupe. Dôté de 360 magasins et d’un site e-commerce dynamique, ce groupe représente un investisseur crédible.
  • Le groupe Maxi Zoo souhaite racheter 2 magasins sans garantir une reprise des contrats de travail.
  • Métivier propose de reprendre 6 magasins avec la reprise des contrats de travail.

En définitive et après l’examen de ces offres, le Tribunal de commerce opte pour une prolongation de la période d’observation de 6 mois.

À noter : le tribunal peut ouvrir une période d’observation d’une durée maximale de six mois renouvelable une fois. Il est nécessaire d’obtenir, pour cette prolongation une décision motivée de l’administrateur, du débiteur ou du ministère public, selon l’article L.621-3 du code de commerce.

Ce résultat ne convainc toujours pas les salariés avec une annonce en septembre de la liste des 43 magasins qui devront être fermés. Des licenciements sont donc à craindre pour les salariés du groupe.

L’attente est toujours très difficile à vivre pour les salariés de l’entreprise mais durera jusqu’au 17 octobre 2018, date de la nouvelle audience du tribunal.

D’ici là, de nouveaux projets peuvent être examinés. Ils seront déterminants pour l’avenir de l’entreprise et le sort des salariés !

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