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Le groupe DOUX en liquidation judiciaire

7 min de lecture

Entreprise familiale depuis 1955, le groupe Doux s’illustre comme l’un des piliers de la filière avicole française. Au cours de son histoire, il a connu un fort développement à l’international contrarié, notamment, par une remise en question des subventions européennes et l’arrivée brutale de la grippe aviaire. Récit d’une société française tiraillée entre la recherche toujours plus forte de compétitivité à l’international et la pression liée aux difficultés financières.

40 ans de croissance pour l’entreprise Doux

Zoom sur la filière avicole en France

La filière avicole représente selon les statistiques Volaille Française : 60 000 salariés et 14 000 éleveurs en France en 2014.

Au niveau industriel, la France compte 170 entreprises industrielles et la concurrence est rude : le groupe Duc, LDC, Doux et Gastronome sortent en tête du peloton des industriels de la volaille bleu blanc rouge.

Les débuts de l’entreprise Doux

La petite entreprise démarre en 1955 à Châteaulin, dans le Finistère.

Les premières années, elle se lance via son activité de négoce de volaille sous les ordres de son fondateur, Pierre Doux. De fait, l’entreprise se positionne en tant que véritable intermédiaire entre les abattoirs et les spécialistes des métiers de bouche (bouchers, volaillers, traiteurs).

Puis, l’activité de l’entreprise évolue rapidement avec l’ouverture du premier abattoir de volaille. Le groupe travaille avec des éleveurs bretons et assure l’abattage des animaux au sein de ses usines.

Pour l’époque c’est une révolution : la machine est efficace avec l’abattage de 100 poulets à l’heure !

Cette nouvelle activité donne des ailes au groupe qui souhaite partir à la conquête du marché international.

1960 : l’ouverture à l’international

Pour augmenter les rendements, le groupe Doux s’inspire du géant américain avec la production de poulets hybrides. Ces poules sont à la fois pondeuses et utilisées pour leur viande.

L’entreprise se fait aider par l’Institut de Sélection Animale (ISA) afin de sélectionner les meilleurs animaux et de pratiquer un nouvel élevage hors-sol. On est complètement dans l’élevage industriel, avec 22 poulets au m² dans des bâtiments de 1 200 m2. Le rendement est efficace et le groupe étend son activité au sein de la filière avicole. Ces procédés sont de plus en plus mal vus par les consommateurs qui pointent du doigt la souffrance animale et la moindre qualité du produit.

La congélation est un procédé en pleine expansion en 1960 et le groupe saisit cette opportunité pour réaliser ses premières exportations.

L’aventure commence par l’acquisition de machines de congélation aux États-Unis.

1975 : Charles DOUX succède à son père à la tête de l’entreprise

En 1975, la société familiale place Charles Doux – fils du père fondateur – en tant que nouveau dirigeant.

Il lance de grands projets d’expansion à l’international avec la conquête de nouveaux marchés vers le Moyen-Orient : Yémen, Koweït, Émirats Arabes Unis, Irak et Iran. La demande est présente avec près de 325 millions d’habitants.

1991 : prise de contrôle partiel de la marque Père Dodu pour le groupe

Pour diversifier ses activités, Doux rachète la marque Père Dodu en 1991 – produits préparés à base de volailles (nuggets, burgers, escalopes panées).

1994 : premier ralentissement avec la baisse des subventions européennes

La progression sur le marché des exportations internationales est stoppée par la
négociation en 1994 des accords du GATT.

L’Union européenne est contrainte de diminuer ses aides à l’exportation et les conséquences sur l’entreprise sont dures engendrant une perte de la moitié du marché à l’exportation.

Le groupe Doux qui bénéficiait largement des aides européennes à l’exportation se retrouve en difficulté et pour s’en sortir, il faut réagir vite !

Les actions ne manquent pas en 1998 avec notamment l’implantation de l’entreprise au Brésil après le rachat de la marque FRANGOSUL.

1998 est donc une année riche en événements pour l’’entreprise agroalimentaire :

  • elle conquiert un nouveau marché très concurrentiel : le Brésil
  • elle affirme sa position sur le marché des produits de volailles transformés avec le rachat de SOPRAT. Cette dernière confectionne des produits qu’elle vend sous la marque Père Dodu.

Grippe aviaire de 2004, les volailles françaises interdites à l’export : première difficulté majeure pour le groupe

Tremblement sur le marché de l’agroalimentaire et des filières avicoles … La grippe aviaire fait rage ! Le virus H5N1 se propage à plusieurs types d’oiseaux (canards, poulets, oies) de manière très rapide.

Avec une telle menace, il est totalement interdit de réaliser des exportations françaises de volailles.

Les résultats sont rapides et violents pour les entreprises du secteur. Le groupe Doux n’échappe pas à cette tendance et affiche de fortes pertes financières :

  • 14 millions d’euros en 2004
  • 45,3 millions d’euros en 2006
  • 35,3 millions d’euros en 2007
  • 7 millions d’euros en 2008

Au total, le groupe voit ses ventes chuter pendant cette période de 30 %.

Et malheureusement, les difficultés financières ne s’arrêtent pas là !

Le groupe doit faire face à la montée des prix du pétrole et des céréales. Face à ces pertes considérables, le groupe doit renforcer sa compétitivité et stabiliser ses ventes en France.

La société doit tirer les leçons de ses erreurs face à cette crise sanitaire : exporter la moitié de ses produits à l’étranger semble être un risque trop important.

Les conséquences en France

Les solutions proposées sont douloureuses pour les salariés : les effectifs sont réduits (200 personnes en moins en activité) et quatre usines sont fermées.

Le contexte social est tendu et les salariés sont régulièrement en grève pour réclamer une amélioration des conditions de travail.

Selon les statistiques de l’INSEE, en 2008 une augmentation de 18 % du nombre de défaillances est mesurée dans l’industrie agroalimentaire.

Néanmoins, dans ce contexte difficile, le groupe dégage en 2009 un bénéfice de 52 millions d’euros.

Une situation préoccupante au Brésil

Le pôle brésilien de l’entreprise cherche à retrouver son équilibre financier sans grande réussite. Pour y remédier, le groupe Doux fait le choix de vendre sa filiale de transformation de dinde en 2009 au groupe brésilien MARFRIG.

Ces efforts demeurent toutefois insuffisants puisque l’entreprise conserve une dette financière de 320 millions d’euros sur sa filiale brésilienne.

Une défaillance attendue en 2012 avec la mise en redressement judiciaire

Les efforts du groupe sont là et pourtant, ils ne suffisent pas à redresser la situation financière de l’entreprise !

Pour éviter une descente vertigineuse vers une fermeture de la société, le tribunal de commerce de Quimper prononce en juin 2012 la mise en redressement judiciaire du groupe Doux.

La grippe aviaire oubliée, le groupe a un objectif : se concentrer à nouveau sur les exportations.

Suppression de la production de poulets frais

Pour se concentrer sur l’export, Doux supprime totalement sa production de « poulets frais ». Des offres de reprises sont proposées au liquidateur judiciaire.

Sur 10 sites en France, seul sept ont trouvé preneur.

Avec la suppression de plus de centaines d’emplois en France, la pilule a du mal à passer pour les salariés du groupe Doux. Les syndicats sont en colère et réclament le dessaisissement de l’affaire par le tribunal.

Selon eux, les juges sont trop proches des intérêts de Charles Doux et pas assez des salariés et des éleveurs.

Gel des aides à l’exportation de l’Union Européenne

Le second coup de massue arrive en 2013 avec le gel des aides à l’exportation de Bruxelles.

Le groupe Doux est soutenu par la PAC en Europe.

Les subventions européennes à l’exportation représentent, pour le groupe, 55 millions d’euros par an. Cependant, l’entreprise est accusée d’avoir augmenté artificiellement le poids de ces poulets pour toucher des subventions européennes plus importantes entre 2010 et 2012.

La menace d’une sévère amende de la part des autorités pèse sur le groupe.

Injection de nouveaux capitaux

Pour instaurer un nouveau souffle dans l’entreprise, le groupe fait appel à un acteur extérieur : Arnaud Marion, expert en gestion de crises dans des situations complexes.

L’objectif est de sortir l’entreprise de la situation de faillite dans laquelle elle s’est enlisée. Elle commence alors par obtenir un soutien financier de la part de la banque Barclays puis du groupe saoudien Almunajen.

La société est dynamisée par l’arrivée d’un nouvel actionnaire : la holding Développement & Partenariat. Elle prend en main les deux tiers du groupe Doux. En définitive, la société est composée à :

Validation d’un plan de continuation en novembre 2013

L’année 2013 est positive : Barclays rachète une partie de la dette en l’incorporant dans le capital de l’entreprise.

La dette des créanciers est donc convertie en action au sein du groupe. Ainsi, Arnaud Marion est nommé président du directoire et le tribunal de Quimper valide le 29 novembre 2013 le plan de continuation du groupe.

Doux remonte la pente, doucement, mais sûrement !

Le groupe annonce en 2015 un résultat commercial de 25 millions d’euros et commence le recrutement de plus d’une centaine de personnes.

L’équilibre financier de l’entreprise reste toutefois toujours instable.

Des actions insuffisantes conduisent le groupe à la liquidation judiciaire en 2018

Rapidement, après une période de douce croissance, le groupe voit son actionnaire majoritaire mettre les voiles. En effet, la famille Calmels cède ses parts à la coopérative Terrena soutenue par Sofiprotéol le 9 mars 2016

Les actions, pourtant réelles, ne suffisent pas à combler les pertes financières accumulées par le groupe Doux.

De plus, une partie de l’opinion publique écorne l’image du groupe, taxé d’être un exemple extrême des dérives de l’agrobusiness.

En 2017, la société totalise 35 millions de pertes financières

Le danger est grand surtout après une mise en redressement judiciaire; les procédures collectives ont pour but de limiter les dégâts financiers et donc de stopper les pertes.

L’actionnaire majoritaire, Terrena, annonce qu’il ne suit plus le groupe à compter du 31 mars 2018. La dérive de l’entreprise s’annonce.

Salariés et éleveurs sont très inquiets, puisque les éleveurs sont très dépendants du groupe Doux. Le groupe leurs fournit même les poussins et leur nourriture.  

Quelle va être l’issue de la situation ? La production de volaille va-t-elle être maintenue ? La question reste en suspens.

La situation s’enlise et le tribunal de commerce de Rennes annonce le placement de l’entreprise en liquidation judiciaire le 4 avril 2018.

L’activité peut se poursuivre jusqu’au 31 mai 2018.

Cependant, les conséquences sont majeures pour la filière avicole française.  Un arrêt du groupe Doux mettrait celle-ci en déséquilibre. De plus, l’emploi breton serait durement touché par la fermeture de l’entreprise Doux.

Pour ne rien arranger à la faillite de l’entreprise, le tribunal administratif de Rennes enfonce le clou en sanctionnant le groupe Doux le 11 avril 2018 d’une amende de 82 millions d’euros pour avoir indûment perçu des aides à l’exportation de l’Union européenne.

Reprise par LDC et Almunajen

Face à cette situation de défaillance, un consortium de repreneurs s’organise. Sept sociétés sont intéressées par la reprise du groupe Doux.

Le plan social inclus la reprise de 912 salariés sur 1 187 et la proposition de 249 offres de reclassement.

Au niveau organisationnel, le groupe Doux serait partagé avec d’un côté LDC et Almunajen qui reprennent la production de poulets congelés dans le Finistère – siège de l’entreprise.

De l’autre, la partie liée à la filière avicole (élevage, accouvage et production d’aliments) passe dans les mains des sociétés Yer Breizh et Terrena, la coopérative Triskalia et la Région Bretagne.

L’avantage principal pour le groupe Doux est la force du groupe LDC qui compte :

  • 877 000 tonnes de produits commercialisé par an
  • 18 500 salariés dont 16 200 en France
  • 75 sites de production français
  • Plus d’un milliard de capitaux propres

En parallèle, une offre de reprise du groupe Ukrainien MHP a été présentée. Celle-ci n’est pas rassurante pour les salariés. Elle prévoit de garder moins de 300 personnes sur les 1 187 salariés du groupe.

Dans tous les cas, la région bretonne se dit fière de pouvoir accompagner la reprise du groupe à hauteur de 15 millions d’euros.

Finalement, le tribunal de commerce de Rennes tranche le 18 mai 2018 en accordant la reprise au groupe mené par le français LDC. Un choix rassurant pour les salariés et les éleveurs en contrat avec Doux.

L’objectif des repreneurs est ambitieux mais néanmoins réalisable : réaliser à l’horizon 2020 un abattage de 400 000 poulets par semaine. Ces chiffres paraissent atteignables puisque la Bretagne réalise en 2018 48 milliards d’euros pour l’exportation des produits agroalimentaires selon l’INSEE.

La demande est là reste maintenant aux industriels de faire les bons choix pour relever les défis de demain !

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